« Il était une fois... C'est ainsi que commencent toutes les histoires. Mais celle que je vais te raconter, mon fils, en est une bien particulière. C'est à peine un murmure, que les anciens susurrent tout bas à ceux qui prennent le temps d'écouter. Mais crois moi, fils, ce n'est pas un mythe, l'île dont je vais te parler existe vraiment. Je l'ai vue, une fois. Entourée d'un voile de brume, elle attendait ses futurs magiciens. Ouvre grand tes oreilles. Je vais commencer.

« Il était une fois, une île ensorcelée. Cette île existait depuis le commencement des temps. Et pourtant, elle n'était trouvable sur aucune carte. Elle avait une particularité. Cette île était entourée de rochers, et de très hautes falaises. Il n'y avait qu'un seul chemin d'accès, donnant autrefois sur une petite plage. Un chemin en partait, seul chemin sauf au travers de la forêt et des hauteurs. Et en haut... Un véritable paradis, disait-on. Mais j'y reviendrai plus tard. L'île en elle-même était entourée de brumes, et un seul navire permettait d'y accéder. Il venait chercher ses passagers lui-même, sachant à quels endroits et à quelles heures on l'attendait. Jusque là toutes les versions concordent. Après, il en existe des variantes. Je vais te raconter la seule véritable histoire. Sur cette île où notre technologie ne passe pas, vivent des magiciens. Des élémentalistes, qu’ils s’appellent. Ils ont le pouvoir de contrôler aux éléments et c’est ainsi qu’ils se protègent de nous autres, commun des mortels. J’y ai été une fois mon fils. Il y a 60 ans, j’avais ton âge alors. Je travaillais déjà sur le bateau de mon père. Cette nuit là, les éclairs se déchaînèrent dans le ciel, bien plus que de raisons. Nous fîmes naufrage, mais par miracle, nous nous en sortîmes tous sains et saufs. Nous étions sur un petit banc de sable. Des gens semblaient nous attendre. Ils étaient habillés étrangement, d’uniformes que je n’avais jamais vus. Ils nous ont emmenés dans une ville portuaire, à quelques dizaines de mètres de nous. Je voyais un chemin en partir, serpentant vers le plateau dont je ne voyais que le haut d’un immense château et deux tours massives. L’une semblait attirer la lumière du soleil et resplendir. La deuxième restait toujours dans l’ombre, sauf la nuit, où elle semblait plus forte, imposante. Ce château m’intrigua d’emblée. Les trois jeunes personnes qui nous avaient guidés, deux garçons et une fille, nous emmenèrent jusqu’à une petite maison. On nous proposa à manger et à boire. Même si nous ne savions rien d’où nous étions, nous étions bien traités. J’avais remarqué que les habitants de la maison semblaient craindre les trois adolescents. Ils faisaient tout ce qu’on leur demandait, mais semblait n’attendre qu’une chose, qu’on les libère. Quand nous eûmes finis de nous restaurer, nos guides nous firent signes. Il était temps pour nous de reprendre notre route. La fille, qui semblait mener le groupe, se tourna vers nous quand nous atteignîmes le petit chemin sinueux. Elle fit retomber le capuchon de sa cape. Ses cheveux semblaient flotter au vent. Elle s’exprima d’une douce voix en nous regardant. Elle s’excusa de leurs maladresses. Apparemment c’était la première fois depuis bien longtemps que des gens de l’extérieur venaient sur l’île. Elle nous expliqua que cette île existait depuis la nuit des temps. Une enfant s’y était échouée bien des siècles plus tôt. Elle y avait grandi et y avait découvert un chaton avec lequel elle pouvait communiquer. Contrairement aux autres animaux de cette espèce, il avait deux petites ailes. Ses pouvoirs étaient venus avec. Aujourd’hui, elle vivait toujours. C’était elle qu’on les emmenait voir. Seule elle saurait quoi faire. Nous étions loin d’être rassurés. La légende de l’île maudite existait déjà à notre époque…

« On nous a donc emmenés voir cette femme. Elle résidait à l’intérieur de l’immense bâtisse. En la pénétrait, j’ai senti tous mes poils se hérisser. Cet endroit était, pour sûr, malsain. Elle nous a accueillis avec le sourire. Elle semblait sans âge, belle, et chaleureuse. Les trois élèves, comme je l’avais compris, nous ont laissé en sa compagnie. Je me sentais en sécurité. Sa voix était douce et sans timbre. Elle nous a proposés de répondre à toutes nos questions. Ensuite, si nous le désirions, nous pourrions rentrer dans une semaine. Sinon, nous étions les bienvenus pour rester loger dans le port. D’autres gens comme nous y vivaient déjà. Elle passa de longues heures à nous répondre. La nuit était tombée depuis longtemps quand elle décida de continuer le lendemain. Pendant plusieurs jours, il en fut ainsi. Nous logions dans le port. Le matin, nos trois guides venaient nous chercher. Le soir, ils nous ramenaient. Et la journée, la femme sans âge nous répondait. Quand la semaine se fut écoulée, la plupart de mes coéquipiers décidèrent de rentrer. Personnellement, j’ai préféré rester sur l’île. J’y ai demeuré pendant cinq années. Pendant ce temps j’ai appris, écouté, regardé. Et désormais je te raconte. Je n’ai jamais vu d’endroits aussi beaux, aussi paisibles. Le jour de mon départ, les trois jeunes gens qui avaient, sans faire exprès, faits échouer mon bateau sont venus me dire au revoir. Elle n’est pas venue. Je ne regrette qu’une chose aujourd’hui. Ne pas lui avoir demandé son nom. Sur toutes les questions que je lui ai posées, pas une seule fois, je ne lui ai demandé son nom. Mais je pense que c’est une sorte d’ange. Et le jour où la mort viendra me chercher, elle sera là, à ses côtés, et me tendra la main pour retourner dans cet endroit de paradis. Fils, n’oublie pas. Cette histoire, je l’ai racontée à ton père et à ton grand-père. Toi, mon arrière petit-fils, je te la raconte aussi. Si un jour tu en as l’occasion, n’oublie jamais que l’Eden existe. Une petite île au large des côtes sud-ouest du Japon, pas très loin de la Corée non plus. Là où ces deux nationalités se mélangent sans haine. N’oublie pas fils. C’est là-bas que l’avenir du monde se prépare. Et si un jour tu as l’occasion de rencontrer l’un de ces élus, protège-le, au péril de ta vie, car la sienne est bien plus précieuse. Tu le reconnaitras au chat qui le suivra partout. C’est notre héritage pour avoir posé les pieds sur cet endroit sacré. Notre famille fait parti des seules personnes au monde capable de voir leurs Daenirs. Leurs compagnons.

Le vieil homme se tût. L’enfant, d’à peine 5 ans, ne comprenait pas tout. Mais ses yeux brillaient d’excitation. Cet endroit bercerait longtemps ses rêves d’enfant. Et quand son arrière grand père mourut, il resta persuadé qu’il avait rejoint l’ange de ses histoires. Ce n’est que quand il fut en âge d’entrer au lycée qu’il sût que tout était vrai. Quand à son tour, il découvrit son daenir, et le destin qui le liait à l’île des histoires de son aïeul. C’est là-bas qu’il allait poursuivre ses études, en pensionnat, disait la brochure qu’il avait reçue. Quand il posa les pieds pour la première fois sur cette île, il sut, il comprit que plus jamais, il ne reviendrait de l’autre côté. Il avait trouvé son foyer, comme des centaines d’autres avant lui.